Et le voilà ton 3ème psychanalyste de ce blog! Mais je suis sure que tu as déjà croisé son nom avant d'atterrir ici: John Bowlby (1907-1990). Et c'est encore un grand monsieur qui nous est venu d'outre manche.
Psychiatre et psychanalyste, ses travaux sur l'attachement et la relation mère-bébé l'ont rendu mondialement célèbre!
Il a mis en évidence que le bébé a un besoin inné du sein, du contact physique et psychique avec l'être humain: c'est un besoin FONDAMENTAL.
La théorie de l'attachement vient en ligne directe de l’œuvre de Winnicott ( les relations précoces) mais aussi des travaux de Lorenz et Harlow. C'est à partir des travaux de ces deux derniers que Bowlby a dégagé 5 compétences innées que possèdent les bébés et qui lui permettent de s'attacher à sa mère:
- la capacité de succion
- la capacité de s'accrocher
- la capacité de pleurer
- la capacité de sourire
- la capacité de suivre du regard
... et histoire de rester dans une certaine filiation de pensée, devine un peu qui a traduit en français ses travaux sur l'attachement? Un certain Didier Anzieu qui nous a gratifié de son indispensable Moi-Peau.
Les étapes de l'attachement
Bowlby a conceptualisé le développement de l'attachement en 4 étapes s'égrainant durant les 3 premières années de vie de l'enfant.
Mais les 3 premières ont lieu durant la première année de vie alors que la 4ème se situe autour du 3ème anniversaire de l'enfant.
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Phase 1: "Orientation et signaux avec une discrimination limitée des figures" (8 à 12 semaines). Bébé ne différencie pas encore visuellement les visages mais il reconnaît les êtres humains et recherche leur proximité (bébé reconnaît maman à son odeur et à son ouïe pour le moment, c'est donc important de ne pas utiliser de produit parfumé qui altère trop l'odeur naturelle). Cette tendance a pour but le maintient du contact et atteint un pic social vers 12 semaines lorsque bébé reconnaît le visage humain et commence à sourire intentionnellement. (Personnellement j'étais assez inquiète car Fox ne souriait pas vraiment, mais maintenant on sait pourquoi: si tu veux, vient voir "Dans les yeux de Fox").
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Phase 2: "Orientation et signaux vers 1 ou plusieurs figures différenciées" (12 à 24 semaines). Bébé commence à construire une relation particulière et singulière avec son ou ses donneurs de soins.
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Phase 3: "Maintien de la proximité avec une figure différenciées par locomotion et d'autres signaux" (6 à 36 mois). Cette phase est marquée par de réels progrès au niveau du développement moteur, cognitif, socio-émotionnels et dans l'organisation des systèmes comportementaux. Ces nouvelles compétences permettent à bébé d'explorer plus intensément son entourage. Cette augmentation d'exploration augmente de facto les risques pour la sécurité de bébé ce qui rend impératif la structuration du système d'attachement dont le seul but est la protection de bébé!
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Phase 4: "Formation d'un partenariat réciproque corrigé quant au but" (après 36 mois). À partir de ce moment, l'enfant commence à percevoir sa figure d'attachement comme une personne indépendante dotée d'une permanence dans l'espace et le temps. La qualité de ses interactions avec sa figure d'attachement va construire un pattern (modèle) de référence pour son rapport au monde et toutes ses interactions sociales.
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Au final, dans des circonstances de développement et de soins adaptés et sensibles, lorsque l'enfant se retrouve en détresse (effrayé, souffrances...) il aura recours à sa figure d'attachement. Si celle-ci reconnaît l'expression de ses besoins et offre le réconfort recherché dans l'expression d'émotions positives, alors l'enfant développe de la confiance envers la disponibilité de sa figure d'attachement et dans l'efficacité de ses propres actes et initiatives (Ben oui, qu'il est efficace puisque sa figure d'attachement y répond! lol)... Ce type de relation construit un attachement dit SÉCURE.
Les 3 types d'attachements
Pour commencer, j'aimerai que tu regardes ce clip de notre fournisseur commun: Youtube! Tu peux y voir le protocole de la "situation étrange" qui met en évidence les angoisses de séparation, et c'est précisément avec cet outils qu'il a été possible de classer les enfant selon 3 types de modèles d'attachement.
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L'attachement dit SECURE
Celui-là même dont je viens de faire le portrait quelques lignes plus haut et dont je rêve que chaque enfant puisse en jouir.
Oui mais, il est dépendant de la sensibilité de maman à apporter des réponses adéquats aux signaux et aux besoins de son enfant. Ce dernier n'a pas à mendier ou à élaborer de stratégies pour être entendu et demeurer le centre d'attention et d'affection de sa maman (ou son papa, bref du care-givers).
Il dépend également du plaisir que cette dernière ressent à s'occuper de son enfant.
À 1 an, ces enfants se montrent les plus actifs et les plus enthousiastes dans leurs explorations.
Dans le protocole de la "situation étrange", ces bébés peuvent exprimer une grande inquiétude à renfort de pleurs et de protestations, mais que leur niveau de stress (mesure du niveau de cortisol) augmente peu.
Ils en ont conclu que les pleurs du ces enfants n'étaient pas l'expression de désespoir, mais un signal d'alarme ayant pour fonction de s'assurer le retours de sa figure d'attachement (puisque cette dernière est capable d'apporter des réponses adéquats aux signaux de son bébé).
À l'âge de 6 ans, ces mêmes enfants se montrent peu affectés par la séparation d'1 heure, ils demeurent calme et les retrouve avec calme à leur retour.
À 19 ans, ils présentent des narrations structurées et cohérentes, ils se montrent conscients et reconnaissants de la nature des liens qui les unissent à leurs parents.
L'attachement SÉCURE se maintient sur le long de la vie adulte comme un modèle de relation avec autrui. Il est associé à une certaine forme de résilience, de flexibilité et d'adaptation et les oppositions de points de vues n’entraînent pas de position défensives systématiques.
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L' attachement ÉVITANT
Ce mode d'attachement est marqué par un enfant qui maîtrise ses émotions et se montre très indépendant. Le donneur de soin se montrant d'avantage intéressé par ses propres interactions avec autrui que par son enfant.
L'enfant semble éviter de se connecter à son état émotionnel qui n'est en fait, ni reconnu, ni traité par son donneur de soin.
On remarque que dans cette modalité d'attachement, la mère manque d'attention face à la détresse de son bébé, a des réactions de colère ou de moqueries. Ces enfants inhibent toutes manifestations affectives pour éviter des conséquences indésirables (réaction négative de la figure d'attachement), il finit donc par placer l'accent sur le raisonnement plutôt que sur ses ressentis et ses émotions.
À 1 an, ils se montrent indifférent à l'absence de leur mère ainsi qu'à son retours. Tout se passe comme si la situation d'insécurité entraînait systématiquement une attitude de NON-CHALANCE et attentive pour ne pas risquer un rejet maternel en cas d'expression émotionnelle, mais en s'assurant une proximité minimale.
À 6 ans, ils évitent les conversations par des silences ou des réponses "fermées" ("je ne sais pas", "rien", "bof", "ouais"...).
À 19 ans, ils témoignent d'une enfance positive mais sans détails trahissant l'idéalisation parentale et n'établissent pas de lien entre leurs difficultés relationnelles et leur expérience relationnelle avec leurs parents, allant même jusqu'à nier tout impact des modalités d'attachement sur la qualité de leur vie.
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L' attachement AMBIVALENT/ANXIEUX
Les interactions entre mère et bébé semblent harmonieuses mais demeurent sans véritable partage affectif. Les mamans sont souvent intrusives au sens où elles imposent beaucoup de choses sans tenir compte des besoins ou envies de leurs enfants (faire par lui-même, prendre des décisions...). Cette stratégie éducative ne respecte pas les capacités de l'enfant et le conduit à ne se sentir aimé qu'en cas de réussite. Il se montre éveillé et aimable.
À 1 an, en l'absence de sa mère, l'enfant se montre agité et pleure intensément; à son retours elle ne parvient que rarement à calmer son bébé.
Ces enfants peuvent être amenés à développer des stratégies pour entrer en relation avec l'autre et notamment ses parents. Il peut utiliser l'opposition, l'agressivité, le mensonge, la séduction, la critique, la plainte...
Tout cela trahit le manque de confiance en soi et surtout le manque de confiance en l'autre.
Les conséquences
J'ai envie de te dire:
enfant SÉCURE=circulez, y'a rien à voir!
Dans les cas d'attachement ÉVITANT ou AMBIVALENT, on voit apparaître des angoisses d'abandons qui peuvent devenir massives et alors structurer des personnalités dites "limites" ou "borderlines"... tu as sans doute déjà croisé ces termes.
En l'absence de "base de sécurité", les enfants sont extrêmement limités dans leurs explorations qui sont perçues comme trop dangereuses dans ces conditions.
Le monde extérieur est alors perçu comme un lieu plein d'inconnus et de menaces potentielles. En grandissant, l'individu ne parviendra pas à affronter seul la nouveauté, le laissant dans une dépendance dramatique vis-à-vis de ses parents vieillissant. En effet, même à ce moment là, les autres ne lui paraîtront ni fiables ni disponibles pour l'aider.
Les personnes construites sur des modalités d'attachement ÉVITANT sont extrêmement vulnérables au stress et les "coups durs" de la vie les exposent à l'isolement voir la dépression.
De leur coté, les personnes construites sur le mode AMBIVALENT/ANXIEUX développent des relations chaotiques marquées par l'alternance de deux polarités comportementales telles que l'agression et la soumission.
Ce sont des adultes qui sont en demande excessive vis-à-vis de l'autre tant la peur de l'abandon est grande. Cela les amène à douter de la sincérité de leur partenaire et de l'amour de leurs proches.
Quant-à l'adulte ÉVITANT, son rejet de l'attachement et de la dépendance affective à l'autre le maintient dans une distance physique et psychologique des autres. Ils se protègent ainsi des expériences de détresses affectives mais en contre-partie, ils gardent également sous maîtrise leurs émotions positives, rendant de fait leur relation frustrantes pour leurs partenaires.
Quoiqu'il en soit, l'attachement NON-SÉCURE conduit trop souvent à des troubles psycho-émotionnels à l'âge adulte. Les angoisses d'abandon sont majeures et orchestrent l'organisation psychique et la personnalité de celui qui est concerné (dans ce cadre on voit apparaître des troubles limites // Bergeret, caractérisés par une impulsivité majeure et l' instabilité des émotions, des relations et de l'image de Soi). Bien qu'il en soit ainsi, rien n'est vraiment jamais perdu. Daniel Siegel (neuroscientifique américain) a démontré que même si la structure du cerveau est modelée par les interactions avec autrui, tout particulièrement par les interactions précoces, le cerveau est plastique et peut se reconfigurer d'une certaine manière.
Il faut comprendre que c'est la répétition d'un certain type de réponse apporté au bébé qui créent un conditionnement et donc une chaîne d'association neuronale spécifique face à une situation donnée. En modifiant de manière durable une réponse qui doit être suffisamment proche des précédentes pour être reconnues comme familières: l'accumulation d'information de ce nouveau type finit alors par modifier durablement le schème (modèle) d'attachement de référence. Bien sur, plutôt que s'en remettre au destin ou au hasard, il vaut bien mieux se tourner vers ceux et celles qui connaissent ce chemin: psychologues et psychiatres.
Instinct et fonction biologique
Aussi surprenant que cela puisse paraître de premier abord, la première fonction de l'attachement est bien de garantir la survie de bébé.
L'attachement est censé lui assurer protection, assistance et étayage (soutien) de la part d'un adulte. On retrouve ici des choses familières que tu as déjà lu dans d'autres de mes articles... pas étonnant puisque Anzieu considère cette pulsion d'attachement comme autoconservatrice.
En effet, à juste titre, puisque pour Bowlby décrit les facteurs d'attachement comme étant des comportements spécifiques parmi lesquels on compte les échanges de sourires, de signaux sensoriels et moteurs pendant l'allaitement, la solidité et la fiabilité du portage, la chaleur du contact physique, le toucher caressant en faisant exclusion des cris et des pleurs. Anzieu rajoute à cette liste la concordance des rythmes des réponses et "si la pulsion d'attachement est suffisamment satisfaite, elle apporte au nourrisson la base sur laquelle peut se manifester l'élan intégratif du Moi": le Moi-Peau.
La boucle est bouclée? Nan!
Donc dès le début de sa vie, l'attachement joue un rôle critique (nourrissage, soin, préservation...) mais dès les 8 à 12 mois de vie les choses se gâtent un peu pour vous deux. Avec l'acquisition de la permanence de l'Objet (Jean Piaget), bébé devient conscient qu'il n'est pas en état de "fusion" avec son donneur de soin: ce sont les angoisses de séparation. Tout d'un coup, il comprend que lorsqu'il ne voit plus sa maman, celle-ci continue d'exister séparément de lui, ailleurs...et cela le terrifie. Il en résulte que toute distance supérieure à celle qu'il est alors capable de supporter déclenche un comportement visant à rétablir la proximité qu'il ressent comme nécessaire: des cris, des larmes, des appels...
Lorsque ces angoisses surgissent, bébé se met à avoir peur des autres, surtout s'il lui sont étranger, les choses nouvelles sont effrayantes et cette angoisse peut le perturber jusque dans son sommeil (qui reste une séparation de quelques heures)...
Certains visages familiers peuvent aussi entraîner des réactions de pleurs et de protestations surtout s'il ressent qu'on cherche à le "prendre" des bras de son donneur de soin.
Pour faire face à cette étape, il n'y a qu'une seule manière SÉCURE de procéder: prendre son temps et rassurer bébé. On ne force pas le contact avec la figure étrangère (même si c'est papi ou mami), on le garde sur le "porte avion": il décollera quand il se sentira prêt et sécurisé.
Alors tu dois en avoir assez de mon charabia de psy, d'autant que j'ai parlé de fonction biologique... donc j'y viens.
Attachement et cerveau
J'ai déjà évoqué le neuroscientifique Daniel Siegel, mais je suis psychologue dans l'âme, alors j'ai envie de te parler d'Yvane Wyart chercheuse et thérapeute spécialisée dans la psychologie de l'attachement (université Descartes-Paris)... il y a tant à dire...
Elle rappelle à juste titre qu'une relation apaisante (quelque soit l'âge) suppose d'accepter ses émotions et de les partager. Oui, mais pas si simple, non?
Tout comme Daniel Siegel, elle rappelle que les liens d'attachement d'un enfant à ses parents façonnent son cerveau dans sa structuration mais aussi dans sa biochimie. Prenons l'exemple d'enfants négligés par leur mère: ils ont une plus faible concentration en Ocytocine dans leur cerveau (hormone de l'attachement et de la confiance dans les autres, mais tu peux cliquer sur le lien pour retrouver l'article que j'ai déjà rédigé sur le sujet).
Je te préviens, ce qui suis sous ces lignes est important mais particulièrement indigeste... on se lance?
Une émotion active l'amygdale (cerveau reptilien), ensuite elle est transmise au cortex cingulaire antérieur qui reconnaît et perçoit l'émotion. Une fois perçue, le cortex cingulaire transmet la patate chaude au cortex orbitofrontal où elle devient consciente et peut alors s'exprimer (demandes, plaintes, pleurs, cris, mais d'autres choses plus positives aussi!)
Si le parent y répond positivement, l'enfant associe son ressenti émotionnel avec le soutien parental ainsi que la satisfaction de son besoin.
Le chemin amygdale - cortex cingulaire antérieur - cortex orbitofrontal est alors validé et renforcé pour devenir le schéma de référence... et c'est la base de l'attachement SÉCURE.
Si le parent ne répond pas, s'énerve, devient inquiétant ou menaçant, le cortex cingulaire bloquera l'émotion dans l'amygdale pour la réprimer puisqu'elle est alors identifiée comme source de danger. En résulte une réaction en chaîne: l'enfant se coupe de ses émotions, n'en est plus conscient, ne les identifie pas, devient incapable de les réguler et de les exprimer. En somme, on se retrouve dans une situation de connections cérébrales incomplètes et inabouties.
J'ai déjà évoqué les conséquences d'un attachement INSÉCURE, mais pour enfoncer le clou, en 2012, Mathieu Raynaud et ses collègues du laboratoire de psychopathologie et psychologue médicale de l'université de Bourgogne, ont observé sur un échantillon de la population que la vulnérabilité à la dépression était associée à un profil d'attachement ÉVITANT et qu'au contraire, le profil SÉCURE était un facteur protecteur.
Mais Siegel affirmait qu'on peut "recâbler", "reprogrammer" le cerveau... mais pourquoi aller voir un psychologue?
Parce que la parole partagée dans une relation thérapeutique active le cerveau verbal et conscient permettant aux émotions d'exister offrant ainsi à nouveau la possibilité de les réguler. Mais comme ces émotions sont bloquées, l'exercice étant de rentrer dans une narration des événements passés permet la reprise en douceur du processus initialement avorté. Avec l'aide du thérapeute, les émotions sont verbalisées, identifiées et accueillis avec bienveillance. C'est finalement la répétition régulière de cet exercice au sein de la relation thérapeutique qui "recâble" le chemin amygdale - cortex cingulaire antérieur - cortex orbitofrontal.
Cela se traduit au niveau cérébral par une modification de la biochimie ambiante. On passe d'un cerveau baigné d'adrénaline et d'hormones de stress en présence d'autrui à un cerveau produisant de l'ocytocine ainsi que le développement des récepteurs à l'ocytocine. Cette variation biochimique a pour effet d’accroître l'envie de se rapprocher d'autrui et d'avoir avec lui des relations apaisées.
(PS: je te l'avais dis que l'ocytocine c’était ton amie!)
Comment ça se passe avec nos enfants?
Maintenant que tout cela est dit on passe à la pratique?
La première des choses qui semble évidente après avoir lu tout ça c'est qu'on ne laisse jamais bébé pleurer! Jamais!
Les pleurs d'un bébé (ou d'un enfant) sont juste le signal que quelque chose ne va pas et que cela génère une tension importante (faim, sommeil, épuisement, excitation, douleur, peur, angoisse... et que ça déborde par quelque part!).
Nous n'avons jamais laissé Fox à ses larmes, nous sommes toujours venu à lui en prenant le temps d'essayer de comprendre ce qu'il se passait avant de tenter d'apaiser ses pleurs.
Il est vraiment important que dès bébé, un individu ait la possibilité d'exprimer ses émotions, même si dans la vie de bébé et d'un enfant cela puisse se traduire par une tempête émotionnelle effroyable.
Il faut donc veiller à se "connecter" du mieux possible à ce que l'enfant peut ressentir et lui montrer qu'on accepte qu'il puisse exprimer son ressentit et je dirai même plus, que ce ressentit a beaucoup de valeur.
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La seconde est que nous avons beaucoup porté Fox depuis sa naissance (pourquoi porter bébé?). En lui offrant le support de notre corps on le sécurise mais on lui donne également les moyens de surmonter ce qu'il traverse:
- Une douleur? Tout le monde l'a déjà vécu, lorsqu'on a mal, le contact affectueux nous rend la douleur plus supportable (c'est d’ailleurs quelque chose qui est utilisé dans les thérapies de gestion de la douleur: le toucher thérapeutique).
- Trop d'excitation? Dans les bras de papa et de maman bébé peut être bercé et s'apaiser doucement en profitant de l'appareil psychique de ses parents sur le support de l'expérience des corps en contact ("le Moi-Peau" et "pourquoi porter bébé?").
- Une colère? Bien sur qu'elle est légitime, la colère n’apparaît jamais pour rien. Elle trahit une blessure émotionnelle qui est alors redirigée vers celui qui est présent en face de lui. Donc si un bébé (ou n'importe quelle autre personne) est en colère, le prendre dans ses bras c'est déjà se connecter à lui. Cela transmet aussi l'amour qu'on ressent pour lui ce qui ne pourra que l'aider à calmer sa blessure émotionnelle...
Petit Rappel:
La colère n'est pas "mauvaise", elle est NÉCESSAIRE car elle exprime un besoin non satisfait, voir une blessure émotionnelle. Il ne faut aucun cas la refouler, la rejeter, la faire taire... c'est une émotion, elle doit donc suivre le chemin amygdale - cortex cingulaire antérieur - cortex orbitofrontal pour que la colère puisse être réguler et ne pas devenir destructrice. De plus des besoins insatisfaits en entraîneront d'autres ce qui fera rentrer tranquillement et sûrement la personne dans une logique de "cocotte minute" prête à exploser sous n'importe quel prétexte. Apprendre à écouter sa colère et rester connecté à cette émotion si salutaire commence par la verbalisation avant même qu'elle n'ai l'occasion de prendre de la force, et en trouvant une voie d'expression salutaire pour s'en libérer et enfin identifier le besoin non satisfait ou la blessure.
Forcément, le jeune enfant et le bébé sont pleins de colère et ont beaucoup de mal à identifier ce qui peut en être à l'origine. C'est le travail de son donneur de soin de le guider dans cette tache...et la meilleure des façons reste encore de montrer l'exemple. Quoi de mieux pour cela que de situer l'exemple dans la relation avec son enfant?
Oui, ses demandes sont intenses, oui il se met en colère et exprime facilement sa colère en frappant et criant, oui c'est frustrant pour nous comme pour lui, et oui à la longue il est légitime de ressentir soi-même de la colère car nos propres besoin ont du mal à être combler.
Alors on met en application: comment ça se passe pour nous?
- Je le pose en lui expliquant pourquoi je le fais;
- Je verbalise ce qui m'a déplu et l'impact que cela a eu sur moi, que cela soit émotionnel ou physique: "Là, je suis en colère parce que [...la raison...] et ça ne me plaît pas du tout";
- Je lui explique alors que j'ai besoin de me calmer avant de revenir vers lui, par exemple: "laisse moi tranquille pendant mon petit déjeuner, j'ai besoin de me calmer";
- Je garde le contact visuel avec lui, car c'est forcement une situation inquiétante, et si je disparaissais, je lui ferai vivre un vécu d'abandon;
- Je reviens à lui en le câlinant et je lui explique de manière "affirmative" pourquoi j'ai ressenti cette émotion;
- Je le recharge en câlins, en amour, en tendresse le temps qu'il faut pour qu'il se sente bien, c'est à dire, le temps nécessaire pour déclencher la libération d'ocytocine (hormone de l'attachement).
... jusqu'à présent, malgré son très jeune age (1 an), il a toujours patienté que je retrouve mon calme et il m'a même montré de l'empathie lorsque je reprends contact en me donnant une peluche à lui, par exemple.
Une histoire de "porte avion"
J'ai déjà évoqué plus haut l'allégorie du "Porte-avion", mais je vais approfondir un peu plus...
C'est Isabelle Filliozat, psychologue, psychothérapeute et conférencière (très connue pour sa théorie d'empathie intégrative et surtout pour avoir fait connaître la parentalité bienveillante) qui introduit cette notion repris par la suite pas Nicole Guedeney et tout leur suivant. Filliozat nous dit tout simplement "qu'un parent c'est comme un porte avion où les enfants viennent se recharger en amour!" et Nicole Guedeney enrichi l'image précisant que "le bébé ou le jeune enfant est l'avion; la base SÉCURE c'est le pont du bateau d'où s'élance les avions pour les missions de reconnaissance. Le même pont doit être toujours libre pour les avions en mission afin que ceux-ci puissent atterrir dès qu'ils le demandent (que cela soit une urgence ou pas): le même pont s'appelle alors le havre de sécurité".
Nous voici donc en présence de mon petit avion Fox! Il fait le plein d'amour et d'attention avant de décoller... et au tout départ il n'allait vraiment pas loin et revenait très très souvent au porte avion. Pour lui, cela signifie être aux bras, ou avec moi et son père, il se met également entre nos jambes, comme au "garage". Mais est-ce suffisant pour faire le plein? Bien sûr que non. Une attitude physique ne se suffit pas à elle-même, l'avion a besoin d'implication réelle et authentique de son porte avion, d'un étayage psychique en d'autres mots.
Alors quoi faire? Jouer avec lui (Filliozat recommande 15 minutes minimum), l'écouter, lui accorder pendant des fenêtres de temps régulières, une attention exclusive afin de le recharger!
C'est là que ça devient compliquer... Je ne vais faire l'affront à personne d'expliquer ici que notre mode de vie nous laisse assez peu de temps à dégager en qualité relationnelle, surtout envers les enfants... Il faut donc ruser et essayer d'utiliser des tâches quotidiennes comme support de cette attention.
Bien que cela me paraisse une adaptation obligatoire, je dois confesser qu'elle me satisfait assez peu. En effet, j'ai déjà eu l'occasion de "jauger" l'impact de cette adaptation quotidienne et de la comparer à l'attention exclusive: y'a pas photo, c'est incomparable!
Je m'explique: lorsque je reste concentrée sur Fox en jouant avec lui ou en le laissant être au "garage" pendant ses jeux au sol (et de fait je suis en situation d'observation), je retrouve rapidement un enfant calme, serein, capable de se concentrer très longtemps sur une tache. Or, les choses étant ainsi faites, certains jours mon temps est bien plus compressé entre diverses taches, et bien que je l'y implique et que nous jouons autours de chacune, cela n'a pas l'effet d'un "plein"... je dirais que c'est juste assez suffisant pour apaiser le stress qu'il peut avoir à se confronter à ce que son porte avion soit occupé et donc pas vraiment disponible à le recevoir. Ce stress est de plus une des résultantes du manque de "carburant" affectif, en résultent de grandes difficultés à gérer la frustration et surtout les colères (dont je t'ai déjà parlé plus haut).
J'en ai dit deux mots lors de ma petite explication sur l'angoisse de séparation plus haut, mais le "porte avion" se met à avoir toute son importance dès l'apparition des angoisses de séparation. Et c'est parce que le "porte avion" sera rassurant et disponible que "l'avion" pourra explorer de plus en plus loin son environnement et donc se séparer sereinement.
Lorsque Fox est rentré dans cette angoisse de séparation, nous nous sommes rendu chez ses grand-parents. Alors qu'il était cramponné dans mes bras en train de refaire le "plein" après une heure de route dans son siège auto, sa mami est venu toute heureuse à sa rencontre en tendant les bras pour l'attraper... sa réaction a été immédiate: des cris et des pleurs. Il a donc fallu insister sur le câlinage, rassurer encore un peu plus fort et un peu plus longtemps afin qu'il puisse réinvestir à son rythme la relation avec sa grand-mère.
Et maintenant?
Et bien on continue en gardant en tête plein de petites choses. L'une d'elle est de respecter son libre arbitre: l'enfant doit pouvoir avoir le choix. Cela peut vraiment paraître compliqué à mettre en place (aussi pour nous), mais il faut garder en tête que tout ordre provoquera du stress et l'émergence d'une opposition, voir d'une colère (et maintenant tu sais pourquoi)... pour se faire exister et faire entendre sa différence (hooo les beaux enjeux de la séparation!).
Alors oui, il faut beaucoup de ressource psychique... un exemple qui m'avait bien plu qu'une éducatrice donnait sur son blog: celle du bain. "Aller! C'est l'heure d'aller se laver" mais l'enfant s'est opposé: "non!". "Alors tu préfères un bain ou une douche?" et face à ce choix, l'enfant avait répondu "la douche, mais c'est moi qui fait" réponse à laquelle l'éducatrice avait préciser "très bien, mais je serai là pour t'aider".
Exemple parfait! L'enfant s'est opposée, a fait entendre son individualité et a exercé sa capacité à faire des choix pour progresser vers l'autonomie. Il n'y a pas eu besoin de colère car son besoin de s'affirmer a été pris en compte. Même si le choix peut paraître restreint, le moindre petit choix nous fait exister et c'est ce qui compte pour prendre confiance.
Nous allons essayer d'impliquer le plus possible Fox dans nos tâches quotidiennes. À l'heure actuelle, il essaie de passer le balai, la serpillière, de ranger, de lancer la machine à laver... bref, il nous imite, mais pas seulement.
C'est un fait établi, les enfants ont un besoin viscéral d'appartenance à leur groupe. Ils ont à cœur de s'impliquer dans nos vies pour montrer qu'ils sont utiles et qu'ils appartiennent bien à ce groupe (famille). En partageant progressivement des tâches quotidiennes, non seulement on lui apprend à devenir autonome, on gonfle sa confiance en lui en reconnaissant l'effort et la valeur de ce qu'il a accompli, mais en plus on tisse du lien dans un moment de partage et d'entre-aide.
Enfin, on ne se moque pas... les enfants n'ont pas de second degré à leur disposition!!! Surtout à l'âge de Fox (13 mois), le langage n'est pas encore acquis, ils ne peuvent donc pas comprendre... et ce qui n'est pas compris fini par blesser, et des choses toutes simples peuvent se transformer en blessures. Gardons à l'esprit que ce qui peut nous paraître drôle et attendrissant peut aussi engendrer des failles dans sa confiance en lui et aux autres, ainsi que dans sa construction identitaire.
Et pour finir: on va à son rythme!
Il y aurait encore beaucoup à dire, des œuvres entières y sont consacrées, mais j'espère que cette lecture a été instructive, plaisante et qu'elle a pu t'aider.
Surtout prends bien soin de toi!
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