Voici un petit article qui fait échos à un commentaire de Mini-Choub à la suite de mon précédent récit "Dans les yeux de Fox: le béby-view!"
Merci de m'avoir questionnée très justement sur la "position d'observatrice" dans laquelle on peut se mettre pour déceler d'éventuels problèmes; question à laquelle j'ai fait une amorce de réponse qui ne sont pas absolues mais qui me correspondent et avec lesquelles je fonctionne plutôt bien.
D'ailleurs, je trouve cela plutôt cocasse et fin de se questionner sur l'observation à la suite d'une lecture ayant pour objet un trouble visuel: chapeau Mini!
L'observation
J'aime bien commencer par aller à la source des mots en ce qui concerne leur compréhension et la délimitation de leur sens symbolique.
Voici ce que dit le Larousse:
"action de regarder attentivement les phénomènes, les événements, les êtres, pour les étudier, les surveiller, en tirer des conclusions, etc." Personnellement, j'aime bien le "etc" tant il est "commode" et "fourre-tout".
Le CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales du CNRS) est assez d'accord avec le Larousse en la définissant comme "l'action de considérer avec attention des choses, des êtres, des événements". À noter que l'observation peut-être objective ou subjective.
Il n'y a donc rien de surprenant à constater que son étymologie vient du latin "observio" et donc d' "observo" qui signifie littéralement "observer, remarquer, faire attention à, épier, surveiller et garder". Ainsi peut-on avoir la vague sensation que la boucle est bouclée! Il n’empêche que tu auras toi aussi constater la familiarité que tu peux ressentir entre ta situation de parent et cette ribambelle de mot... et pour cause.
Je suis quand même forcée de constater qu'en règle générale, de nos jours, on perd de plus en plus notre capacité d'observation: cela demande un effort et aussi du temps que la majorité d'entre nous choisira d'allouer à tout autre chose.
Mais pour ma part, j'ai abordé cette problématique sous 2 angles majeurs: un personnel par la contemplation et la méditation; et l'autre, par un angle professionnel avec l'observation clinique.
La Contemplation
Sincèrement, je trouve cette pratique assez facile et plaisante, mais ce simple mot a lui aussi son jeu de finesse et de représentations.
Alors on repart pour un petit tour d'étymologie? Aller, ça sera rapide!
"Theôria" en grec signifie "contemplation, spéculation, regards sur les choses;
"theôréô" toujours du grec pour dire "examiner, regarder, considérer";
"theôros" pour "spectateur";
"théa": "la vue".
-> Tout ça n'est pas sans rappeler l'étymologie d' "observation", et pour cause...
Bref, pour les grosses feignasses comme moi, Wikipédia résume la chose comme étant "une application de l'esprit à voir et observer certaines réalités", à ceci prêt que ce mot a un profond sens subjectif qui le fait parfaitement convenir à la religion ou à la nature: j'ai pris le parti de la seconde.
Il s'agit avant tout, selon moi, d'une notion philosophique. Petit héritage de mon passage dans la filière littéraire et de ces longues heures de philo, la contemplation se relie pour moi à l’œuvre de Platon et Aristote. Platon définit la contemplation comme la connaissance qui permet à l’être humain de se libérer d'une condition d'esclavage (moi je dirai d'aliénation) au sensible, aux désirs et opinions pour atteindre (et là je dirais: se rapprocher) de sa propre perfection.
Elle implique connaissance et maîtrise de soi, une vision des réalités et une sorte de proximité "spirituelle". Elle est une mise en arrêt, en suspens d'une agitation perpétuelle en nous et autours de nous, d'une sorte de mensonge qu'on s'adresse à soi-même en même temps qu'une fuite du réel.
Renoncer à agir c'est commencer à contempler. L'action sans fin est une sorte de dépossession de soi. En résumé, la contemplation est une attitude de présence à soi, d'une écoute voir même de recueillement sur soi. Contempler c'est aussi voir sans regarder, sans intention, sans jugement, sans volonté ni jugement; c'est se mettre dans cette position d'accueil sans intentionnalité.
Cette disposition psychique conduit inexorablement à la méditation où la pensée ne s’arrête pas (bien entendu) mais les images et les idées ralentissent, s’allègent et cessent d'avoir leur emprise sur nous. La pensée est toujours présente, rien ne peut la supprime, mais l'art de la contemplation est de renoncer à vouloir la diriger et la maîtriser.
La contemplation, en soi, relève donc d'un mirage qui nous guide car son état absolu est (quasi?) impossible à atteindre, mais sa quête permet de nous mettre profondément au repos, de se rendre spectateur de ce qui se passe en soi et autour de soi dans une position volontaire d'accueil et de non-agir.
Tu l'auras compris, c'est dans un sens de développement personnel que j'utilise dès que je peux la contemplation. Mais avec ma formation et l'exercice de la psychologie, j'ai découvert une autre forme d'observation.
L'observation clinique
En psychologie clinique c'est l'une des premières dispositions relationnelles à acquérir. Dans cette discipline on observe les effets de la subjectivité, du fonctionnement psychique...
Selon Jean-Louis Pedinielli (hooo maître!) l'observation clinique implique 3 risques faces auxquels il faut savoir résister:
- réduire l'observé à ce qu'on a observé
- l'objectivation extrême entraîne la perte de toute subjectivité
- l'absence de validité des interprétations qu'on en tire!
Je souscris complètement à ces mises en gardes car nous observons aux travers de nos propres yeux, avec notre subjectivité (qu'il ne faut jamais perdre au risque de déshumaniser nos relations), notre bagage de connaissance (qui oriente notre sélection d'information), notre histoire, nos angoisses (ma peur de l'autisme "dans les yeux de Fox")...
Cependant, on peut tout de même s'appuyer sur une certaine forme de "collecte" de données pour "relever des phénomènes, comportements, idéatifs, langagiers, émotionnels et cognitifs significatifs pour donner du sens" (J-L. Pédinielli et L.Fernadez (2005) L'observation clinique et l'étude de cas. 128, Armand Colin).
On distingue l'observation non participante de l'observation participante. Dans le premier cas, cela implique une distance maximum avec le sujet observé, c'est à dire une absence totale de relation: autant te dire que cela peut être assez angoissant pour celui qui est observé. Quant-à la deuxième, et bien, elle met en relation l'observateur de l'observé. Quoiqu'il en soit, il faut également procéder à une auto-observation afin de tenir compte de sa propre subjectivité et s'assurer de bien observer ce que l'autre nous montre et non pas ce qu'on cherche à observer, ou même ce que l'on craint d'observer.
L'attention flottante permet de percevoir beaucoup de choses qui se situent au premier plan d'un comportement mais aussi ses motivations et ses sources. Cette attitude qui est, à mon sens, celle de l'attention maternelle dans l'observation, car elle nécessite une observation globale et non focalisée.
L'observation clinique vise la singularité et permet au clinicien d'avoir une représentation du fonctionnement psychique de l'observé.
Le regard a toute son importance bien sur (grande vérité de la Palisse, il fallait donc la sortir), mais observer ce n'est pas regarder de manière intuitive et naïve, mais c'est plutôt une position qui permet la transition (le passage) du "regarder" à un "voir", c'est à dire à identifier quelque chose. Mais le regard n'est pas le seul à "observer", "l'écoute" organise l'ensemble de l'attitude d'observation.
Mais qu'est ce qu'on écoute alors? Des mots, le corps, l'imaginaire, les différents modes d'expressions, les sentiments, les valeurs...
Pourquoi? Pour découvrir, pour mémoriser, pour répondre à une demande, pour interagir...
Comment? En développant l'empathie, l'authenticité, la disponibilité, la non directivité, la compréhension, la considération positive et inconditionnelle et en utilisant des techniques d'écoute (écoute flottante, écoute active, relance, reformulation, questionnement...).
Maman t'observe mon petit Fox...
Et voila comment il m'est si difficile d'expliquer et synthétiser les deux dans ma position actuelle, car je vie véritablement ma posture de maman observante au point de rencontre de la contemplation et de l'observation clinique.
En pleine contemplation, il est évident que je passe de longues minutes à être dans la non-action à l'observer et souhaiter atteindre le meilleur de moi-même dans mon rôle de maman. Je contemple également quotidiennement l'effet de cette situation en perpétuel évolution sur mon être profond, je mesure les écarts entre l'avant et le maintenant, les sensations, mes aspirations... Par ailleurs, je ne cesse de trouver ce vécu singulier au plus proche d'une expérience mystique, m’émerveillant sans cesse du miracle de la vie faite corps en mon petit Fox d'amour. En même temps, je cherche au maximum à le tenir libre de mes attentes et à le laisser expérimenter et développer son être authentique (Vrai Self). Je cherche à ne pas le diriger, ne pas le maîtriser mais lui apprendre à se "connecter" à lui-même avant toute chose, pour qu'avec empathie et bienveillance il puisse également se connecter aux autres à sa propre manière, tout cela en le laissant me surprendre à chacune de nos rencontres regard à regard.
Pour se faire, je l'observe, je l'écoute pour découvrir sa singularité, je me montre disponible, empathique et positive tout en restant la garante de son ancrage au réel.
Je me connecte à moi-même, j'essaie de rester dans cette attention flottante, sorte de vision périphérique de la pensée, afin de percevoir l'inattendu tout en écoutant ma propre subjectivité et freiner mes angoisses maternelles.
Mon regard l'observe, certes, mais le caresse et le fait aussi exister. Grâce à cela, Fox apprends toutes les attitudes que j'ai décrites plus haut, elles sont contenues dans la relation de regard à regard que nous construisons.
Je crois que la position d'accueil et de bienveillance permet d'entrer dans la posture de maman observante et que cela se fait dans une maîtrise de soi afin de ne pas envahir notre "observé". La conscience qu'il développe d’être observé lui témoigne toute l'importance qu'il a pour nous, le porte et l'encourage à développer sa singularité.
Merci à toi, très cher Jean-Louis Pédinielli pour tout ce que tu nous a transmis, car c'est aussi Fox qui en bénéficie. Car oui, l'observation ne se suffit pas à elle-même pour poser un "diagnostic", donc avant de paniquer (oui, facile à dire), il faut procéder à une enquête approfondie sur la base des phénomènes observés: exemple flagrant du baby-view de Fox.
Conclure sur la 1ère des sciences?
Ha oui, c'est bien ce que j'ai écrit... car oui, comment est-ce que bébé (ou nous même) fait l'acquisition de nouveaux apprentissages?
Et bien en observant! Mais aussi élémentaire que soit cette disposition de l'être humain, nous la perdons dès que nous entrons dans le rythme effréné de la société qui attend de nous des actions et non cette position passive d'observation. C'est bien en ce sens justement, que l'action nous aliène tant en nous éloignant de nous-même pour nous amener à devenir un objet de société et non plus autant un être de singularité.
Bref! Si on observe des choses réjouissantes, alors soyons heureux de nous en réjouir dans un joli partage authentique; mais si on observe quelque chose de moins sympathique, on respire un grand coup et au lieu de paniquer et d'aller demander à Google de confirmer nos angoisses, on demande à celui ou celle qui fera l’enquête appropriée pour éclairer les dites "observations de maman": merci à tous les pédiatres d'être à l'avant poste pour se faire autant enquiquiner.
En espérant que cette lecture un peu philosophique ait été agréable à parcourir et que j'ai pu ouvrir quelques pistes de réponses à tes questions sur la position d'observation, je te dis à une prochaine.
Prends bien soin de toi!
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